Fanfare! Des gants blancs, des
nuques et des clairons. Rangées de bataillon, toutes derrière le lourd
bâton cadençant du tambour-major. Epaulettes de métal, bottes, sangles
éclatantes, l'or ruisselant des médailles.
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D'autres visions hantent les esprits. La cité terrée au creux de ses
fondations se prend à espérer.
Au milieu de l'avenue des défilés, un impertinent ose braver la colonne
musicale qui sourd là-bas.
Et un autre surgit, et un autre encore, ils vont former une marche. Du
bout de l'immense artère quelqu'un apparaît, progresse, les dépasse,
fascinés ils pivotent; c'est un officiel oriental, il leur a rendu leur
salut.
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Derrière
lui la fanfare récupère les recrues, les dissout en son sein. Elle prend
son élan, le soleil droit devant. Torse bombé - pied gauche - pied droit -
le tambour-major dresse sa canne au plus haut, la cohorte se soulève à son
exorde; arc-boutée contre la pesanteur, elle prend appui sur la première
marche des cieux, décolle. Pas à pas franchit les balcons et les toits,
les collines. Parvenue dans les hauteurs, les vents s'engouffrent pour la
disloquer, elle doit résister, ne peut plus renoncer; JUSTICE de son
combat - AVENIR qu'elle porte en elle - SA MORT glorieuse. Les sceptiques
sont balancés désarticulés dans le vide.
L'armée dans son envol a libéré la ville. Les rues découvrent brutalement
un grouillement d'uniformes blafards, imberbes. Les baïonnettes rejettent
pêle-mêle vers la place corps mous, pleurs de chignons et de vieilles
casquettes, petits crânes échevelés, bras graciles, chemises froides de
sueur.
Le soleil brille; de là-haut tout paraît calme, la campagne sereine
défile, des pelotons, tout juste des bribes, traversent les fumées qui
s'épaississent. On est très loin maintenant. Ici un enfant près de sa
maison observe la fanfare, petit mille-casques qui ondoie dans le ciel,
qui scintille, de plus en plus fort, incandescent; éclate.