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Lettres de la Huitième Symphonie

de Dimitri Chostakovitch

1943

 

d'après l'interprétation de l'Orchestre Philharmonique de Leningrad

sous la direction de Evgeni Mravinski

Enregistrement public à Leningrad, mars 1982

1 CD Philips 422 442-2 ou Russian Disc RDCD10917


Note : les textes correspondants aux extraits musicaux sont en rouge foncé

Texte avec minutage précis

Adagio

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1'

 

 Hymne. Noir. Les yeux ouverts, on ne distingue rien. La ville est fervente. Elle sait. Sa peur et sa fureur mêlées s'étouffent.

Au-dessus, très haut, de la lumière irradie. Encore faible, elle n'éclaire pas, irréelle elle impose sa respiration.

S'intensifie; crue, elle fait mal. Les corps ploient, glacée elle souffle, ronge les chairs de son mugissement.

2'

3'

 

 

 

Elle se disperse, le ciel éclairci reste mat, sans contours. Emergent du brouillard, droit et dur un chemin, les fines lézardes de quelques arbres d'hiver. Une femme, un homme, la ville autour d'eux est lointaine; par vagues la conscience du drame imminent les submerge.

Leur calme est celui de l'hébétude.

4'

 

 

 

5'

 

6'

 

 

7'

Du fond des horizons, remonte l'invocation à la ruine, elle les investit, force de dislocation.

Deux, liés. Leurs épaules jointes les protègent. Leurs voix fondues dans la poitrine sont rendues muettes, ils subissent, étreints.

L'angoisse. Le cerveau envahi d'un sang lourd, le souffle est court.

8'

 

 

 

9'

 

Le repos est un engourdissement épuisé. Par-delà, l'annonce se perpétue.

Leur vie se replie sur elle-même. L'écho rapporte doucement les brumes des sirènes.

Un retour d'amour les enserre, plus étroit.

L'oubli de ce qui les entoure se dissout; réveillés, ils restent figés, ultime immobilité.

10'

 

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12'

L'heure du départ. Le peuple hypnotisé converge. De longs sifflets de vapeur se rapprochent, la foule s’amasse le long de la voie, elle se dresse sur les remblais, le voilà qui surgit lourdement noir de suie sous les salves des tambours. Les à-coups de la locomotive l'emportent étincelant de clairons. Déjà le triomphe est amer.
 

 

13'

 

14'

15'

 

Les soldats ne paradent plus, dans la nuit les wagons s'agrippent aux rails. Les chansons à boire sont des exorcismes contre la peur; quand elles se sont tues, face aux ouvertures aveugles chacun est en proie à ses affres, anticipant la terreur.
Le train stoppe et se vide, les fifres donnent la cadence aux hommes hallucinés. Des lueurs décomposées volent au-delà des montagnes. Ils y sont conduits. Un halo, fourmillement d'éclairs découpe les crêtes. Tout disparaît. La colonne s'est engouffrée

 

 

16'

 

 

17'

dans le tunnel vers la lutte finale. Dans la fumée de poussières et d'essence, elle transperce le roc, les cahots, la vitesse, les héros. L'issue approche, approche encore.

Personne ne bougera;  le convoi est dans la ville. Ils passeront devant la même dévastation, tous, devant la même.

La place est déserte.

 

 

18'

 

19'

 

 

 

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22'

 

23'

Au petit matin. Un drapeau, des barbelés cerclés de glace, une sentinelle assise. L'homme, coupé de celle qui partage son amour, lui raconte comme si elle l'entendait.  Il ne peut chasser de ses yeux ce qu'il a vécu, il décrit, sans force; bête perdue, son incompréhension se projette en douleur. Il se résigne. Seul.
...Un baume ineffable; elle s'est saisie de lui, le couvre de chaleur. Pour elle il se relève.

Bientôt la neige l'a remplacée, tourne comme le monde, autour de lui.
Les nuées anthracite glissent inertes. La route blanche s'avance large jusqu'à l'horizon.  Des trompettes célèbrent les soldats qui l'ont empruntée. Ils ont disparu, leurs proches ont été dispersés. Elles sonnent pour rien.
L'homme subsiste dans l'immensité. Son espoir, dévasté, est vivant.

Allegretto, 2ème mouvement

Mouvements 1, 2, 3, 4, 5